lundi 21 octobre 2013

Conseils du jour quand on débarque en Finlande (suite)

Avant de continuer, je tiens à vous remercier pour m'avoir confirmé que notre carte d'identité est bien un simple bout de plastique merdique où qu'on se rende. Alors la suite des règles élémentaires :

L'administration en Finlande (suite)

Règle n°4 : Ne comptez pas (seulement) sur l'UE, ou le coup des "niches" exceptionnelles

Quand on part hors de l'UE, on le sait, on s'y prépare. Quand on part intra-UE, on le sait, et on y va avec ce que de beaux sites internet officiels nous disent d'emmener. On croit qu'on s'y prépare... mais non.

Attention, qu'on ne se méprenne pas, je ne suis pas en train de dire que l'Union Européenne ne sert à rien. Seulement force est de constater qu'une réglementation européenne, même très utile, ne vous servira à rien si le pays où vous vous rendez l'applique mal... ou pas du tout. (cf. l'article précédent) Et ce n'est pas Bruxelles qu'il faut blâmer dans ce cas là, car Bruxelles a fait sa part du travail.

Exemple : Je suis un étudiant ressortissant de l'UE qui part étudier en Finlande pour l'intégralité de mon cursus. Comme je me suis installé en Finlande avec mes papiers en règle et un numéro de résident, je devrais avoir les mêmes droits - y compris sociaux - qu'un Finlandais. Du moins ça, c'est la théorie.

Où est le piège : Pour toucher, disons, des aides étudiantes, le petit peu d'argent qui me permettrait de ne pas vivre uniquement aux crochets de mes parents durant mes études, Kela, en gros la CAF locale, ne me donne rien. Pourquoi ? Parce que la raison principale de mon séjour en Finlande, c'est les études, or, des aides financières ne sont données à des étrangers que si  : 1) Leur motif principal de résidence est un emploi (et pas un job étudiant, c'est un vrai boulot qui dure toute la semaine avec un quota d'heures minimum, donc, pour un étudiant, ben...) 2) Ils se marient avec des Finlandais(e)s. Pour la Finlande, rien ne prouve que je ne vais pas me barrer comme un voleur après mes études après avoir sucé l'argent de leur contribuable. Le hic, c'est que la France, de l'autre côté, me répond "vous vivez là-bas, vous êtes déclaré résident, ce n'est pas à nous de vous donner des aides sociales". Bah oui, je ne suis pas en échange... Donc je me retrouve dans une niche. Est-ce un trou dans la législation européenne ? Est-ce que l'un des pays se fout des législations en question pour économiser quelques euros ? Je n'ai pas encore réussi à percer le mystère.

Bon après, ne pas toucher d'APL, par exemple, c'est moins gênant quand on ne paye pas de taxe d'habitation, concept qui leur fait ouvrir de grands yeux ronds. C'est déjà ça de gagné !

(Quand j'explique que le montant de la taxe d'habitation dépend de la surface, mais aussi, entre autres, du nombre de fenêtres, souvent, ils rient)

Règle n°5 : Laissez votre paranoïa au vestiaire

...ou vous ne pourrez rien faire aboutir. Comme je l'évoquais précédemment, l'administration finlandaise fonctionne comme Google, tous vos comptes sont plus ou moins liés, et on peut s'identifier dans tous les services avec le même identifiant (majoritairement bancaire, d'ailleurs... ce que je ne peux pas faire à cause de mon problème de droit en ligne). Du coup, la moindre démarche peut vous faire passer un check-up complet afin de vérifier que vous êtes un honnête citoyen que rien ne s'oppose à ce que accédiez à ce service. Alors bon, si c'est un service de l'Etat, et qu'on vous demande "puis-je vérifier vos informations confidentielles", vous dites oui parce que bon, c'est l'Etat. 

Mais quand c'est le vendeur de téléphonie mobile ?

Exemple : Pour pouvoir bénéficier de la formule téléphone + forfait et ne plus avoir à gérer avec une carte prépayée comme un trafiquant de drogue, il me faut attendre une période de 2 ans de résidence sur le territoire, ou payer une franchise immédiate de... près de 600€ (!!). Oui, deux ans. Si je repartais après les 3,5 ans minimum de mon séjour, j'aurais attendu plus longtemps pour ce service que je n'en aurais joui.

J'ai attendu deux ans et me suis présenté chez le fournisseur.... Seulement voilà, pour que le forfait commence début du mois (donc, le dimanche) je me suis présenté le vendredi, sachant que ça aurait fait deux ans le... lundi. On m'a donc refusé. Soit. Je reviens le lundi avec : Mon document de la magistrature avec la date officielle du début de mon séjour, ma carte d'identité (encore elle) et mon compte bancaire finlandais fraîchement ouvert. J'ai toutes les cartes en main.

Le vendeur, un simple vendeur de Saunalahti, me demande les documents de la magistrature et ma carte d'ID, qu'il scrute attentivement. Il vérifie sur son ordi et me dit "Je vais devoir demander à mon patron" et il disparaît pour environ 7 minutes avant de revenir et de me dire "est-ce que vous m'autorisez à faire un check-up de vos informations personnelles". Donc près de dix minutes avec son patron n'a pas clarifié les doutes et ils veulent quand même faire le check-up...

Oui  - Non

Et là vous vous dites que ce mec, ce vendeur anonyme, il va avoir accès à tous mes éventuels rapports de police, mes éventuels impayés, mes problèmes éventuels avec les impôts, ou n'importe quel organisme. En France, je dirai non. Clair et net. Seulement en Finlande, non seulement j'ai pas trop le choix, mais en plus... c’est normal. Même quand j'évoque le problème de la confidentialité et de la vie privée, ça ne choque personne parce que "personne n'abuse".

Où est le piège : C'est faux. Le fait que toutes vos informations privées sont potentiellement et légalement trouvables sur internet via les différents services finlandais peut, et a déjà été, utilisé à mauvais escient, bien que ce soit rare il faut le reconnaître. En mars 2013, alors que de grosses manifestations étudiantes réclamaient une révision des aides, justement (et ce genre de manifestation étant excessivement rare, on ne pouvait guère l'ignorer), le plus gros journal du pays, Helsingin Sanomat, a complètement ignoré l’événement alors que le plus gros quotidien suédophone de Finlande en faisait sa une pleine page. Complètement ? Pas tout à fait. De tous les courriers de jeunes révoltés ou désireux d'expliquer où était le problème, HS a décidé de publier un seul courrier, d'une fille appelée Aino Kopra, qui y expliquait "ne pas comprendre ces manifestations" et y livrait son point de vue. Problème : Aino a 18 ans, elle n'a encore aucune idée concrète de ce que la vie d'étudiant en fac peut être, d'autant qu'elle est de famille aisée. C'était maladroit de sa part, et malhonnête de la part du journal, mais continuons. 

Immédiatement, des meme ont fleuri sur internet ainsi que d'autres images et montages ou on retrouvait la photo d'Aino, ainsi que son capital, celui de ses parents, son adresse et la valeur de l'appart, et tout un tas d'informations personnelles relatives à combien d'argent elle possède ou a reçu récemment. Et pas besoin d'un hacker pour ça, si on sait où chercher, ces informations peuvent êtres obtenues tout à fait légalement.

Donc certes, en temps normal on n'en abuse pas, et cette transparence joue certainement dans leur taux de corruption excessivement bas, mais en venant d'Europe Centrale, je suis pas forcément à l'aise quand je dis "oui, allez-y". D'autant que bon, ai-je vraiment le choix ?

Règle n°6 : Apprenez à aimer les tickets de boucherie

Si vous n'êtes pas familier avec ces petits tickets numérotés ailleurs que dans la file d'attente de votre poissonnier au Super-U, sachez que les Finlandais, eux, adorent ce système. Il est partout. Vraiment, partout. Même dans certains magasins, pour passer à la caisse !

Le système a ses avantages, et ses inconvénients. L'avantage, c'est qu'on n'a pas besoin de rester garder sa place dans la queue. L'inconvénient c'est...

Où est le piège : ...que vous allez baisser votre garde et devenir trop confiant. Aller vous dégourdir les jambes cinq minutes, aller manger... Parce que vous avez remarqué qu'en trois heures le rythme n'a presque pas bougé. Sauf que cinq personnes avant vous vont remarquer la même chose, en même temps, et pendant que vous êtes parti acheter votre sandwich, eux aussi. Vous revenez, et le rythme s'est soudainement accéléré parce que six personnes n'ont pas répondu à l'appel du ticket. Vous venez d'attendre 3h30, vous pouvez reprendre un ticket.

Mon conseil : Même si vous allez à la police de l'immigration très tôt le matin avant l'ouverture, sachez que vous attendrez plusieurs heures. Les trois matins où je me suis présenté à Malmi, il n'y a toujours eu qu'un seul guichet ouvert pour l'UE, à raison d'un client toutes les 30 minutes... même quand le client est ressorti au bout de dix minutes en pestant parce qu'il n'a pas les bons documents. Je ne sais pas comment ni pourquoi, mais la blondasse policière du guichet UE, avec sa politesse de porte de prison et son sourire réservé à ceux qui parlent finnois, a besoin d'une pause de vingt minutes quand elle n'a pas traité un dossier. Mais je m'égare.

Comme vous allez attendre longtemps quoi qu'il arrive (à moins que vous n'ayez réussi à obtenir une heure donnée via le site internet de police, petits veinards), allez-y à deux. Déjà on se tient compagnie et ça passe plus vite, ensuite, qu'il y en ait toujours un dans les parages avec le tickets, et si possible, celui (ou celle) concerné(e) par la visite. Parce qu'on ne sait JAMAIS et que ce système est extrêmement vicieux, il vous met en confiance, et CRAC, ils vous retourne, pantalon baissé. D'autant que reprendre un ticket aux alentours de midi, c'est presque inutile, car vous allez probablement rester jusqu'à la fermeture et devoir "revenir demain", auquel cas vous ne recevez pas le premier ticket du lendemain, bien sûr, vous devez revenir très tôt. Donc même si ce système est censé éviter d'avoir à faire la queue en gardant sa place, soyez deux... et gardez votre place.

D'ailleurs j'aimerai conclure avec un exemple tiré de mon expérience avec la connasse madame du guichet UE, celle qui prend des pauses de vingt minutes après le deuxième client, client qu'elle a d'ailleurs remballé en dix minutes. Oui, celle-là. Dans le genre combo Règle n°1 + Règle n°6, elle est pas mal non-plus.

Je me pointe avec tous les documents demandés sur le formulaire qu'on m'a donné précédemment. Tout ce qui est mentionné noir sur blanc, je l'ai. Et là, elle me sort "Comme vous êtes étudiant il me faut une déclaration sur l'honneur que vos parents vous soutiennent financièrement en cas de problème" "Hum, si on me l'avait dit la dernière fois - ou mieux, écris sur ce formulaire - je vous aurais fourni ça tout de suite mais on ne me l'a pas demandé..." "Moi je vous le demande" "Mais mes parents vivent en France donc ça va prendre un certain temps..." "Non, mais c’est vous qui écrivez ça vous-même et signez, c'est juste pour la forme" "Oh, donc ça prend deux minutes, je prend un papier j'écris ça vite fais, je signe et c'est bon !" "Non, vous sortez, vous écrivez ça, et vous prenez un nouveau ticket.".


1 commentaire:

  1. J'ai étonne les gens en racontant comment Nyt-liite à fait un article sur les gens qui n'arrêtent pas avec la voiture pour laisser passer les pedestrians. Ils ont pris le numéro registre de la voiture, appellé l'office des voitures, demandé le nom et avec le nom démande le numéro de téléphone d'un companie qui fait ça. Après ils ont appellé les chauffeures et demandé pourquoi ils ne sont pas arrêtés et c'était drôle. Mais tous ces qui j'ai dit cet histoire m'ont demandé:

    - Mais comment on peut avoir tout les infos si simplement? :O

    Et je suis comme:

    - ... Mais bien sûr on peut les avoir, c'est normal!... n'est pas ?

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