vendredi 19 septembre 2014

Le Road-Trip grec : Meteora

Ça y est, enfin, les Météores. J'ai fait près de 400 kilomètres pour voir cet endroit, sans compter le petit détour par Céphalonie. Le but de mon voyage, le lieu qui m'avait tant attiré et fasciné dès que j'en avais entendu parler... Est-ce que la visite fut à la hauteur des espérances ?

Oh, que oui. Et plus encore.

Je suis descendu du bus par une chaleur déjà à peine tolérable, alors que nous n'étions que le matin, et je me préparais à une journée placée sous les auspices de la sueur et de la soif. Mais qu'importait, je marchais sur le petit parking dans les hauteurs des Météores, et à mes yeux s'offraient un paysage absolument superbe, qui en plus était loin des clichés grecs dont je commençais à me lasser. Devant moi, j'avais ceci :
Un des monastères des Météores, perché sur sa falaise.
En fait, il aurait fallu faire une vidéo et un panorama pour bien rendre la beauté et l'immensité de ce massif étrange. Les montagnes aux formes étranges causées par l'érosion accueillent plusieurs monastères orthodoxes bâties sur les corniches les plus improbables et aux sommets de ces colonnes immenses auxquels on n'accède par des escaliers étroits et sinueux ou des ascenseurs en bois (bon, ceux-là ne sont plus vraiment utilisés, hein). Ainsi, ces lieux sacrés ont été longtemps protégés des différentes invasions, notamment ottomanes. Leur localisation extrême explique ce nom de Meteora, soit "suspendu dans le ciel".

Même si j'aime à penser qu'on les appellent Météores parce que ces montagnes sont en fait des météorites écrasées en Grèce et recelant quelque antique secret expliquant la construction de ces monastères atypiques... Mais c'est une interprétation toute personnelle, hein.

Je me met en marche et après une passerelle de pierre je je me dirige vers mon premier monastère de la journée : Le Grand Météore.

Le monastère du Grand Météore, datant du XVIème siècle et juché à 534 mètres d'altitude, ma première visite.
L'entrée du tunnel après la passerelle, qui mène à l'escalier. Au-dessus, on peut voir au sommet de la tour la cabine en bois de l'ascenseur à traction manuelle. Les moins y hissaient la cabine à la force des bras pour remonter des vivres ou des visiteurs... Quand on voit le système, on comprend la piété de ces gens-là, car il faut vraiment, vraiment avoir confiance en son Dieu quand on emprunte ce genre de truc... Je vous laisse imaginer la chute en cas d'incident technique...
L'escalier en question, vu de l'autre côté de la falaise. Inutile de préciser qu'un éventuel attaquant aurait bien du mal à faire monter une armée, et qu'une poignée de défenseurs peuvent aisément en bloquer l'accès. Creusé à flanc de falaise, il se transforme parfois en tunnel, comme on peut le voir ici. Si vous avez le vertige et qu'emprunter des escalier creusée dans une falaise érodée vous inquiète quelque peu, cet endroit n'est simplement pas pour vous.
La visite fut une belle surprise, car je m'attendais à un endroit entièrement transformé en lieu touristique, mais en fait les monastères sont encore activement habités par des moines, et certaines parties avaient un accès restreint et des horaires spécifiques, pour laisser les religieux en paix. De plus, le côté musée ne se contentait pas de présenter l'endroit lui-même mais avait aussi des détails sur l'Histoire de la Grèce, des costumes traditionnels, bref, un vrai petit musée généraliste sur le pays et des explications sur l'histoire du site. Une bonne surprise, donc.

Dommage que la partie musée souffre autant du manque de recul des Grecs sur leur propre Histoire et de leur tendance à oublier un peu vite les choses qui ne rentrent pas dans l'image de la Grèce glorieuse et éternelle, comme j'en parlais dans ce billet (le tableau dont je parle dans l'article est justement exposé dans ce musée). Après, les tableaux patriotiques sont marrants cinq minutes, mais l'accumulation devient vite pesante, surtout quand le musée passe tout son temps à raconter comment les Grecs se sont débarrassés des Turcs et ont tenu tête aux Italiens - tout seuls, comme des grands, en plus. J'adore par exemple le tableau où une troupe de soldats grecs met en déroute une escouade turque, qui s'enfuit à toutes jambes en laissant derrière elle un monceau de cadavres, derrière lequel se cache un Turc chafouin et traître qui, de son petit pistolet, abat sans honneur l'un des braves combattant de la liberté hellène. Le tout sous les yeux de la Vierge Marie que les nuages lumineux laissent apparaître, portant la bannière grecque dans ses saints bras :

Photo prise tant bien que mal par Ada-Maaria Hyvärinen (interdiction de prendre des photos, normalement, il faut acheter les livres et cartes postales à des prix défiant toute concurrence) On notera l'ancien drapeau grec qui, non, n'est pas le même que celui de la Finlande.
En revanche, l'occupation allemande est réglée en deux cartouches explicatifs, pour dire que tant de popes des Météores ont été exécutés. Quid d'explications sur la victoire écrasante de l'Axe dès l'arrivée de la Wehrmacht, rien sur les mois d'occupation, sur les combats de libération et l'aide monumentales des Anglais et des Alliés en général... Ni sur la Dictature des Généraux... On glorifie le Jour du Non sans rappeler que la Grèce était elle-même une dictature d'extrême-droite... Bref, au bout d'un moment, le kitsch qu'on pardonne avec un petit sourire amusé laisse la place à un sentiment de malaise.

Heureusement le monastère a bien plus à offrir que de la propagande mal dégrossie.

Déjà, la vue. Imprenable depuis les hauteurs, elle permet de profiter des canyons et d’apercevoir les autres monastères au loin.

Vue d'Agios Nikolaos, ou Saint Nicolas. En fait, on peut toujours voir au moins un monastère où qu'on soit, ce qui devait être bien pratique pour donner l'alerte discrètement. En fait ce sont de véritables forteresses, très bien étudiées et probablement mieux préparées pour des sièges que pour des pèlerinages paisibles. Cela dit, pour vivre reclus et se rapprocher du divin, l'endroit est parfait.

On me pardonnera la luminosité, mais on comprendra que j'avais pas vraiment le choix de mon angle de prise de vue, hein.
Mais dans le monastère lui-même, la ballade vaut le coup et s'y promener offre un moment charmant, où l'on passe de petites terrasses en petites terrasses, de balcons à promontoires, avec plusieurs autels et une superbe chapelle (qui a précédé le monastère puisqu'elle fut construite au XIVème siècle, elle)

On dirait presque un petit village de montagne...
La grande église qui a "avalé" la chapelle originale. Et des gens qui cherchent un coin d'ombre, aussi. On ne s'en rend peut-être pas compte, mais il fait très, très chaud, malgré l'altitude relative. Et il n'y a pas de vent ce jour-là, paye ton mois de juillet en Grèce loin de la côte.
Un des jardins des moines... Adorable.
Murs peints, fresques et tableaux religieux offre un régal pour les yeux, l'avantage de l’orthodoxie et de son irrépressible besoin d'en mettre plein la vue à coups de dorures et de couleurs chatoyantes.
Mais j'avais bien l'intention de visiter plusieurs monastères, donc je me suis mis en route. J'ai redescendu l'escalier étroit pour rejoindre l'autre côté du gouffre et longer la route en direction du monastère de Varlaam. J'achetai une bouteille d'eau au petit kiosque sur le parking et m'engageai sur la route, vu qu'aucun sentier ne semble s'y rendre, et je me demande si les gens qui conduisent se rendent compte qu'à part marcher sur le muret ou dans le fossé je ne peux pas serrer ma droite mieux que ça... Faut dire que plus on s'approche de 11h, plus les bus et les voitures s'accumulent, on sent venir l'heure de pointe des visites organisées et des touristes mobiles.

Varlaam, juché sur son piédestal de roche.
Même sans défis architecturaux, le site est tout simplement magnifique.
Varlaam.
Agios Nikolaos est en fait un couvent, relativement petit, mais avec une ambiance assez particulière... Peut-être justement parce qu'assez isolé, et à cause de l'absence de terrasses et jardins accueillants comme pour les monastères. On se sent plus comme dans un refuge perché sur une tour inaccessible.
Je ne ferai pas un rapport pour chaque monastère, ce serait assez redondant, et pour être honnête, inutile de visiter chacun d'entre eux, sauf peut-être pour les différents angles qu'ils offrent sur ces vallées et ces canyons tourmentés. En soit, ils sont tous à peu près similaires, mais je recommande le Grand Météore pour son côté synthétique et son musée (et c'est le plus grand ainsi que le plus vieux de ce regroupement monastique), ainsi que le couvent Agios Nikolaos, qui est plus intimiste. Pour illustrer l'intérêt du changement d'angle, prenons justement Agios Nikolaos, qui il faut bien l'avouer est extrêmement photogénique. La photo précédente, prise sur le chemin, offre ce côté encastré dans les montagnes, isolé de tout (on ne voit pas la route etc.) Mais vu depuis les terrasses de Varlaam, le couvent semble dominer une vaste forêt, et offre une grisante impression d'espace :


Vue de la même terrasse. On voit au loin les montagnes aux allures plus classiques qui forment habituellement l'horizon grec. On voit l'urbanisation juste aux pieds des Météores et on se rend compte de l'incongruité de cet endroit étrange planté au milieu d'un paysage autrement "typiquement grec". La photo me permet aussi de montrer le drapeau de l'église orthodoxe grecque flottant à côté du drapeau national.
Chaque accès aux différents monastères offre des vue plongeante incroyables, par escaliers, ponts et passerelles ou tunnels. Ça aussi ça peut valoir le coup de faire plus d'une visite.
Donc encore une fois, si vous avez le vertige, évitez certaines terrasses.
Certaines formations donnent vraiment l'illusion d'un autre monde...
Les mecs je suis sûr qu'ils ont regardé ces montagnes, ont picolé plusieurs bouteilles d'Ouzo et se sont lancé des défis du genre "Où est-ce qu'on pourrait construire les monastères les plus chiants à rejoindre ?" "Ah, la corniche, là, je la sent bien !"
Cela dit, il y a souvent plus qu'on n'y voit au premier coup d’œil. Par exemple, quand je disais qu'Agios Nikolaos n'avait pas les grandes terrasses et jardins des autres monastères, ça ne veut pas dire qu'il n'y a rien, et même si on ne pouvait pas s'en douter en l'observant sous toutes les coutures depuis les falaises environnantes, on a la surprise de découvrir ce petit coin tranquille au sein de ses murs :

C'est seulement une fois dans l'enceinte du couvent qu'on découvre, à l'abri des hauts murs, ce petit jardin secret. L'accès est réservé aux nonnes.
Agios Nikolaos étant situé plus bas que les autres, l'endroit offre de belles contre-plongées...
Finalement, j'ai dû remonter la route pour reprendre la navette. J'avais prévu de rentrer à pieds par le sentiers mais j'étais bien plus fatigué que je ne pensais, et j'avais très soif aussi, prudence étant mère de sûreté, j'ai changé de plan. Et ce fut une bonne chose, puisqu'en remontant j'ai croisé le Porto-Ricain que j'avais rencontré la veille, avec qui j'ai pu papoter de nouveau et prendre le bus pour retourner à Kalambaka. Ça m'a redonné de l'énergie après une journée assez crevante, et on est allé encore boire un coup en ville avant de se dire adieu. Car je ne restais pas.

J'aurais pu prendre une nuit de plus à l'hôtel mais un train partait de Kalambaka encore dans les temps, et allait traverser toute la Grèce continentale du Nord au Sud pour rejoindre Athènes, autant dire que j'avais largement le temps de dormir dans le wagon. Du coup j’ai mangé un morceau vite fait et me suis installé sur un banc de la gare, attendant de quitter cet endroit superbe et m'en retourner à Xylokastro... 

Et c'est justement sur ce banc que j'ai fait l'une de ces étranges rencontres, en l’occurrence une femme grecque francophile... et totalement germanophobe. Je vous raconterai ça dans mon dernier article sur ce road-trip :-p


Les Météores fin décembre. Y a moins de trafic, hein ?
Alors que retenir de Meteora ? C'est le plus bel endroit que j'ai visité en Grèce. Je suis tombé sous le charme et c'est bien un endroit que j'espère revoir un jour. En fait, j'y suis déjà retourné six mois après, quand j'ai rendu visite à Ada qui finissait son SVE en décembre. Elle avait également deux amies finlandaises venues passer nouvel an avec elle, et nous sommes tous les quatre parti visiter les Météores entre Noël et Nouvel An. Les températures étaient bien moins oppressantes, nos respirations se condensaient en larges volutes, c'était une expérience complètement différente. Comme elles voulaient visiter un endroit spécial et avaient déjà vu Athènes, j'avais chaudement recommandé les Météores, et personne n'a été déçu du voyage. Le paysage est grandiose, et les monastères sont ingénieux et changent des monuments habituels qu'on voit partout dans le pays. Alors oui, même s'il n'y a pas grand chose d'autre dans les environs, si vous êtes en Grèce, faites ce petit détour, il le mérite amplement.

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