mardi 28 juin 2016

Un jour en Finlande : Juhannus

Les solstices ont toujours été très importants pour les peuples européens. Déjà certains mégalithes de l'âge de pierre étaient parfois alignés sur la position du soleil durant ces journées particulières (c'est le cas à Stonehenge), tantôt plus longue de l'année, tantôt plus courte. Plus tard les solstices ont été largement utilisés pour marquer des temps forts de la vie religieuse païenne, puis chrétienne. Aussi, la fête romaine du Soleil Invaincu fut-elle remplacée par Noël, et le solstice d'été par la Saint-Jean. Si dans certaines régions d'Europe les feux de la Saint-Jean ont toujours cours, toutes n'ont pas le même engouement qu'en Europe du Nord où l'on appelle encore le solstice Midsommar - mi-été - sauf en finnois où on dit bel et bien Juhannus. 

Et en Finlande, justement, il n'y est pas juste question de faire un feu, c'est encore une grande occasion où beaucoup s'arrangent pour avoir un week-end prolongé le plus long possible, et partir pour le mökki (le chalet de vacance), si on le peut, fêter ça en petit comité (famille ou amis). On y va au sauna, on y fait du barbecue et on pend du bon temps. D'ailleurs, Juhannus est toujours un week-end, on ne le fête pas le jour même du solstice, justement pour avoir ce long congé. Cette expérience-là, j'en parlais dans cet article sur mon solstice 2013 au mökki. Pourtant, cette année, je n'avais pas l'occasion d'aller au mökki, donc j'ai fait comme tous ceux qui ne peuvent pas fêter Juhannus en forêt près d'un lac, je suis allé avec Céleste participer à un Juhannus public, sur l'île de Seurasaari.

Des costumes traditionnels finlandais.
Pour ceux qui ont oublié, Seurasaari c'est l'île d'Helsinki sur laquelle on trouve ce chouette musée à ciel ouvert style écomusée. Autant dire le cadre idéal pour un solstice folklorique, avec ses maisons anciennes et sa forêt. L'animation était assurée par des groupes de danse et de musique folkloriques, plusieurs kokko (les fameux feux) étaient organisés, et la météo avait dit qu'il ne pleuvrait pas (trop). Que demander de plus ?

Il y avait des activités pour les enfants et des fabrications de couronnes de fleurs (malheureusement on est arrivé un peu trop tard pour ça...). Du coup plein de gens se promenaient les cheveux fleuris, tandis que ceux qui comme nous avaient manqué l'atelier, mais n'avaient pas autant de scrupules que nous, erraient aux abords des chemins pour taper dans la flore locale, histoire de ne pas être en reste.

Dès notre arrivée nous avons assisté à l'érection d'un Arbre de Midsommar, qui n'est ni plus ni moins qu'un Arbre de Mai... mais pas en mai. A noter qu'en Finlande cette tradition est rattachée à la communauté suédophone. La symbolique de cette tradition reste obscure et débattue, tout le monde n'étant pas d'accord avec la théorie la plus répandue qui en fait un héritage de traditions païennes christianisées. Quel qu'en ait été le sens initial, l'Arbre de Mai / Midsommar est aujourd'hui une tradition culturelle plus qu'autre chose : on l'érige et on danse autour de lui, en passant sous ses "branches", bref, farandole et bonne humeur nous accueillent.

L'Arbre de Midsummar est planté.
L'avantage de cet événement, c'est qu'on a pu y voir des kokko, des costumes et des Arbres de Midsommar de différentes régions de Finlande, ainsi qu'entendre des chansons traditionnelles de plusieurs coins du pays également. Tout le monde a également pu féliciter un couple fraîchement marié qui avait refait une cérémonie façon mariage carélien à l'ancienne, en costume s'il vous plaît, et s'était prêté au jeu des danses folkloriques. C'est d'ailleurs ce couple qui, arrivant en barque, a finalement allumé le feu principal, plus tard dans la soirée.

L'Arbre de Midsommar des enfants.
Malheureusement, difficile de vraiment savoir quoi venait d'où, il n'y avait pas vraiment d'approche pédagogique malgré les nombreux touristes. C'était donc principalement un plaisir des yeux et des oreilles mais je n'aurais pas appris grand chose. Qu'à cela ne tienne, ce fut une expérience sensorielle toute en ambiance, avec des groupes de musique folk assez chouettes, notamment ENKEL (vous savez que ce genre de musique c'est mon dada), et une seule erreur de casting, à savoir un duo de chanteuses un peu banales (banales genre "on a représenté la Finlande pour l'Eurovision 2010" en fait, avec un type passant dans la foule pour vendre leurs CD façon "Il est frais mon poisson".)

Contre toute attente et en dépit des annonces alarmistes de la météo, le ciel a parfaitement tenu et après quelques danses et chansons, nous avons pu assister à l'allumage des kokko. Et là c'est le moment où je passe en mode "j'ai testé pour vous..." :

Trois types de kokko de différentes régions de Finlande. Dans le fond, les bateaux venus assister au spectacle depuis la mer.
Sur la plage se tenaient trois assemblages de différentes régions de Finlande : une tour de rondins coiffée de branchages verts, une longue perche soutenant une roue solaire recouverte de paille, et une motte de branches de sapins surmontée d'une perche. Et franchement, la roue solaire avait de la gueule, très classe, très appropriée au solstice d'été. En mer, barques, yachts et même ferries se rassemblent pour assister au spectacle à distance. Un homme s'approche avec une torche, c'est le moment. Les flammes lèchent enfin la paille, le spectacle peut commencer.

Ou bien la paille est humide et l'ensemble peut se mettre à fumer au fur et à mesure que la paille se consume dans des flammèches minables.

Grosse déception, même si ça a finalement pris feu (à peu près). Le design le plus frappant se montra au final assez peu efficace et rapidement terminé. Alors que la foule s'était massivement agglutinée sur la plage, le public se lasse et s'en va, et je peux accéder au premier rang.

L'espace d'un instant ça a eu de la gueule, votre correspondant dévoué n'a pas manqué ce créneau.
Si je devais lui mettre une note, ce serait chiant/20.

Il faut dire qu'une tour en rondin avait été allumée sur une plage voisine et brûlait beaucoup, beaucoup mieux. Mais après un peu d'attente, l'homme à la torche est revenu faire son office et a enflammé la motte de sapin. Et là, mieux valait ne pas être incommodé pr la fumée. Un panache capiteux s'est dégagé du kokko, soufflé droit vers la foule par un vent chenapan. Pendant un moment on n'a plus rien vu, plongé dans des volutes denses que seuls les plus braves ont affronté pendant que le public fuyait à bonne distance. Finalement la fumée s'est dissipée et on a tous pu profiter du feu qui révéla que sous les branches il y avait un empilement de bûches qui a permis à ce kokko de durer longtemps pour notre plus grand plaisir. Et le vent nous a recouvert de cendres et d'aiguilles de sapin brûlé, aussi. C'était chouette !

Au cas où l'idée que je puisse exagérer ne vous traverse l'esprit. 
Le panache se calme enfin et révèle le feu qui embrase lentement le dôme de sapin. Ce qu'il reste de la roue solaire fait peine à voir, à côté.
Le kokko flambe joyeusement !
Et puis le couple de jeunes mariés a allumé le feu principal, un énorme empilement de bois et de branche sur une plateforme flottante (autre tradition, moins risquée vis-à-vis de la propagation accidentelle du feu). Et là, point de déception aucune. Flamboyant, ronflant et beau, au-delà de la ligne créée par les roseaux. Tout le monde applaudit. Cette fois ça y est, le feu que tous attendaient brûle et illumine cette "nuit" qui n'en est pas vraiment une.

Le kokko principal sur sa plateforme flottante, entouré de torches.
De plus près...
Le kokko de sapin, qui brûlait encore à notre départ ! 

Je vous mets en bonus une vidéo peut-être un peu longue, mais qui dans la lignée de mes vidéos d'ambiance. Le groupe  finlandais que j'utilise pour la musique s'appelle Mr. Mäläskä et m'a beaucoup été rappelé par les groupes qui ont joué durant la soirée, je me disais que ça conviendrait donc parfaitement.




Hyvää Juhannusta ! Joyeux Solstice d'été à tous !

lundi 27 juin 2016

L'écomusée d'Alsace

J'ai déjà parlé d'Alsace précédemment, et on l'aura compris, j'aime ma région paternelle. Sa cuisine, paysanne et riche, ses vins, sa bière, tout ça, mais aussi et surtout ses paysages et notamment ses villages typiques aux maisons à colombages. Il y a plein de villages tous plus beaux les uns que les autres en Alsace, avec leurs rues pavées, leurs balcons fleuris de géranium, leurs fontaines sur des petites places entourés de façades colorés (oui, on aime la couleur sur nos maisons alsaciennes) (parfois au mépris du bon goût, d'ailleurs, mais sur les vieilles maisons, en général, on sait se tenir). Pour le voyageur qui ne fait que passer, pas facile de choisir quel lieu visiter, et impossible de les faire tous.

L'alternative maline ? Visiter l'écomusée d'Alsace.

Une ferme à colombage typique.
J'avais déjà évoqué ce musée à ciel ouvert quand j'avais parlé de ses équivalents finlandais (Seurasaari) et danois (Den Gamle By), même si pour le coup l'Alsacien ressemble surtout à son cousin d'Aarhus. En effet, c'est tout un village entier qui a été reconstruit sur le même principe, à savoir qu'on a démonté des maisons anciennes (datant parfois du XVe siècle !), moulins, fermes et autres bâtiments à travers toute la région pour les reconstruire fidèlement en un seul village générique. Bien qu'artificiel, tout dans ce village est pensé jusque dans les moindres détails pour offrir une expérience de l'Alsace "à l'ancienne". Les maisons sont reconstruites à l'identique, donc, et selon les méthodes traditionnelles (on apprendra comment sont montées les maisons, en kit façon Ikea et donc démontables et remontables à volonté, comment les murs sont constitués de torchis et de madriers de branches, etc.), les rues sont pavées, il y a des animaux, des champs, des jardins, des potagers, des vergers. Le visiteur peut voir comment travaillaient les forgerons, charpentiers, meuniers et autres ouvriers à travers l'histoire de la région, avec des activités pour les petits et les grands (la petite leçon dans la salle de classe du village vaut le détour pour tous les âges).

Pour quelqu'un comme moi qui fonctionne à l'ambiance, ce souci du détail des plus charmants a de quoi m'emballer. Le village fait vrai, avec ses rues et ses chemins, ses habitants en costume, son ciel rempli du claquètement des innombrables cigognes.


Super combo colombages + géranium + cigogne
J'aime beaucoup cette maison-là, avec le petit motif géométrique peint sur le torchis.


Oui, alors apparemment la cigogne, oiseau emblématique de l'Alsace, claquette, craquette, ou glottore. Alors autant craquetter et claquetter, pourquoi pas, mais glottorer, désolé, c'est moche.

(pour ceux à qui "glottorer" ne parle pas, voici un extrait sonore)

Ah oui, quand je dis innombrables, je ne plaisante pas. Si vous avez la phobie de ces oiseaux blancs au long bec, si le craquettement de ces volatiles provoque en vous une irrépressible panique, ne visitez pas ce musée. Elles sont partout. Et beaucoup.

Les enfants, en revanche, sont généralement ravis. Et voir un forgeron frapper l'enclume, caresser un âne ou un bouc, ou donner à manger aux vaches fait généralement bonne impression également.

Superbe façade peinte pour cette grosse ferme familiale.
Bon, chacun y trouvera son bonheur dans un coin ou dans un autre. Moi, pour être franc, je n'ai pas grand chose à faire des vieux tracteurs, mais pour un passionné, il y a un hangar pour ça. Fan de Sweeney Todd, de son siège de barbier et de ses rasoirs énormes ? Il y a une maison pour ça. Curieux de voir les différentes coiffes alsaciennes à travers l'Histoire ? Il y a une expo pour ça. Il y a même une tour de défense médiévale avec son jardin de plantes et d'herbes. Les animateurs/guides en costumes expliquent les métiers anciens, les coutumes locales et les techniques diverses (construction, travaux des champs, etc.), on apprend souvent sans s'en rendre compte, et ça c'est toujours chouette.

Une reconstitution à la verticale pour nous permettre de voir comment les structures des façades sont d'abord assemblées au sol avant d'être dressées. On n'est pas loin de la maison Ikea.
La structure en bois est ensuite comblée par un tressage de bois sur lequel on applique du torchis. Cette technique permet aux maisons d'être facilement démontables et remontables à volonté, facile à réparer et relativement "flexible" en cas de secousses (l'Alsace est en zone sismique, pour ceux qui l'ignorent)
La tour fortifiée et son jardin aux herbes.
... et la vue depuis le sommet.

Motif de dés ou de pain d'épice ?
Bref, on l'aura compris, je ne peux que recommander ce musée (par beau temps, hein, c'est mieux, parce que c'est quand même à ciel ouvert...). Si vous n'avez pas le temps d'aller visiter Eguisheim et tous ces beaux villages alsaciens, au moins voyez l'écomusée, ça vous fera une bonne grosse tranche d'histoire et d'Alsace en une seule journée.

Le musée se trouve à côté d'Ungersheim, à proximité du Parc du Petit Prince (que je n'ai personnellement pas visité donc je n'en dirais rien ici, à part qu'on peut y faire un tour en ballon et voir l'Alsace depuis le ciel). Je vous laisse un lien ici.

Vraiment, allez le visiter.

(Et maintenant, Office du Tourisme du Grand Est, à propos de mon chèque...)

Ah, et avant de nous quitter, je ne peux pas m'empêcher de partager un pur moment d'iconographie nostalgique alsacienne mignonne et poétique :


mercredi 15 juin 2016

Un jour en Finlande : Vappu

Bon, comme d'habitude, dès que je rattrape mon retard, j'en reprends aussitôt.

L'an dernier, j'avais fait un tour à Helsinki pour Vappu, histoire de prendre quelques photos et vidéos et écrire un article sur l'une des fêtes les plus suivies de Finlande (avec Noël/Nouvel an et Juhannus / Solstice d'été). Sauf que bon, juste après j'ai recommencé la vie de couple, puis je suis parti en vacances en France, et Vappu est un peu tombé aux oubliettes. J'avoue avoir même complètement zappé l'événement cette année, et maintenant que je m'apprête à avoir du matos frais pour le blog, il me fallait m'occuper des archives. Donc, avec un an de retard (ou un mois et demi seulement sur celui de cette année ^^ ), voilà enfin mon article sur Vappu.

Déjà, qu'est-ce que Vappu ? 

C'est l'équivalent de Walpurgisnacht dans les pays germaniques, une fête qu'on retrouve dans toute l'Europe. J'en avais un peu parlé quand j'avais parlé des sorcières du Fastnacht souabe-alémanique, notamment celles de Löffingen, et pour cause, cette Nuit de Walpurgis, si elle porte le nom d'une Sainte, est associée à la sorcellerie et au sabbat. C'est la nuit du 30 avril au premier mai, et en Allemagne, par exemple, on y allume parfois encore des feux comme à la Saint Jean. D'ailleurs, certaines traditions associées à Walpurgis (comme l'arbre de mai et les feux) trouvent parfois leurs variantes au solstice d'été, selon l'endroit où on se trouve en Europe. Dans les deux cas on touche aux rituels archaïques de l'Europe païenne, en célébrant la fin de l'hiver / du printemps. Bon, aujourd'hui Walpurgis est beaucoup moins fêté qu'autrefois, l'Eglise a bien fait son boulot, mais il y a des échos qui nous sont parvenus, comme Vappu.

Les vendeurs des incontournables ballons de Vappu devant Kamppi.
Techniquement, Vappu est officiellement le 1er Mai. Certains essayent bien de fêter les travailleurs mais ils sont minoritaires, et Helsinki est la seule ville où leur rassemblement est conséquent. D'ailleurs, l'Eglise aussi en profite pour faire de grands rassemblements, bref c'est le moment où tout le monde sort, où l'on fait des pic-nics dans les parcs et des barbecues en famille... Bon, c'est souvent en décuvant de la veille, ceci-dit. Car en ville, le 30 au soir, c'est la folie, surtout quand on compare au calme habituel des rues d'Helsinki. Les gens se retrouvent en masse, plusieurs centaines de milliers de personnes (je rappelle que le pays ne compte qu'un peu plus de cinq millions d'habitants.), et ils font la fête, boivent beaucoup, dansent et vomissent. On ne regrette pas sa soirée.

Ma première expérience de Vappu c'était en 2011, je visitais le pays pour la seconde fois, cette fois pour passer l'examen d'entrée de ma fac. J'accompagnais mon ex et ses amis, y compris une fille qui a fini rapidement tellement soûle que moi et l'autre ami, Henri,  avons dû la ramener chez elle, non sans une sortie du bus in extremis pour lui permettre de dégueuler devant, sur et derrière la poubelle de l'arrêt de bus. Et tout le monde trouvait ça normal. Henri se tourne alors vers moi avec un grand sourire et me dit "Bienvenue en Finlande !".

Le Dôme noir de monde, on peut voir les gens porter la casquette blanche.
Cette année-là j'ai surtout vu l'aspect festif, les milliers d'étudiants en combinaisons colorées picolant dans toutes les rues sans pourtant observer de bagarres ou de rixes. Bonnes humeur, respect et concerts de plein air semblaient de rigueur. Les cadavres de canettes recouvrent le sol, bien vite ramassés par ceux qui se font un bénef de fou sur la consigne. On les voit chaque année déambuler avec leurs énormes sacs poubelles, parfois avec des vélos, vérifiant que les canettes et bouteilles sont finlandaises et pas estoniennes (sinon, pas de consigne, donc les estoniennes seront ramassées par les services de la ville), à n'importe quel événement de plein air, ils sont là, et peuvent se faire plusieurs dizaines voire centaines d'euros, en travaillant en groupe.

Je me suis étonné de cette tradition d'acheter des ballons gonflés à l'hélium, tout le monde en prend, et pas seulement les enfants. Du ballon de base marqué du logo d'un bar ou d'une boisson aux ballons en alu en formes de Mumin ou de Angry Birds. J'ai découvert le chapeau blanc évoquant une casquette de marin que les Finlandais reçoivent lorsqu'ils passent leur bac, et qu'ils arborent fièrement lors de Vappu. Même les adultes, voire les personnes âgées, ressortent leur casquette plus ou moins blanche pour l'occasion. J'ai également découvert les combinaisons colorées que les étudiants portent pour sortir faire la fête, chaque couleur correspondant à leurs études (si j'en avais un, il serait violet, ce qui correspondant à "socionomie"), qu'ils recouvrent de patch glanés à chaque fête ou événement, transformant ces combinaisons en véritable passeport de leur vie étudiante. Quand j'ai demandé à mon coloc pourquoi ils avaient ces "uniformes de fête", il m'a répondu "pour se protéger du vomi et autres fluides corporels". Le ton était donné.

Les années suivantes j'ai pu profiter d'un rituel qui lance officiellement les festivités au cœur d'Helsinki : La pose du chapeau sur Manta.

Qui est Manta ? C'est une statue de femme nue, une sirène d'après son sculpteur Ville Vallgren. On la trouve au bout de l'Esplanade, en face de la place du marché du port, à deux pas du palais présidentiel. Détail amusant, elle fut sculptée en France, avant d'être montée en fontaine à Helsinki. Il est de tradition désormais que les étudiants nettoient la statue lors de Vappu avant de la coiffer d'une de ces casquettes blanche de bachelière. Et pour voir ce spectacle, il y a foule. Mais alors vraiment. Difficile de trouver une place où l'on puisse voir quoi que ce soit, mais heureusement, l'an dernier, je me suis assez bien débrouillé. D'ailleurs, en 2015 (année que ces images illustrent), pour la première fois, la casquette fut apportée... par drone !

Les étudiants lavent à gande eau (et mousse)  la statue de Haaviston Manto / Havis Amanda (la version suédophone) avant de lui mettre sa casquette. Et une forêt de ballons gonflés à l'hélium, évidemment.
Livraison de casquette par drone. Le Vappu du futur, c'est maintenant.
Manta dans son bain de mousse, casquette sur la tête. La foule, elle, est partie picoler.
Deux tippaleivät. On dirait pas mais c'est croustillant.
Autre tradition qu'on ne refuse pas, la bouffe. Bon, j'ai déjà dit qu'on picolait pas mal, de la bière au mousseux en passant par toutes les liqueurs à disposition. Mais traditionnellement, on boit du Sima (Mjöd, en suédois), à la base une sorte d'hydromel, aujourd'hui un genre de limonade fermentée au citron légèrement alcoolisée et de couleur orangée, et avec ça on mange des tippaleivät (tippaleipä au singulier), un... truc... comme une salade de vers... faite de pâte frite ("pense à un champignon" me dit mon coloc pour m'aider à le décrire), recouvert de sucre glace. Bon les tippaleivät on les achète, mais cette année, le Sima fut fait maison par ma copine (et il fut très bon). Et même si je vous ai mis une image parlante sur votre droite, pour ne pas déroger à la tradition, voilà tout de même une photo de moi posant élégamment pour présenter la pâtisserie de saison :

Florent pose avec des pâtisserie, vol.3

Alors oui, je sais que vous mourrez d'envie de voir des images de débauche et d'alcool coulant à flot dans les rues d'Helsinki, malheureusement je me suis contenté de me focaliser sur ce que la décence ne réprouvait pas. Voilà donc une petite vidéo pour donner une idée de la cérémonie d'ouverture de Vappu. Et croyez-moi, vous préférez que je m'arrête avant que tout le monde dégueule.*


*D'ailleurs il est à préciser que beaucoup de gens fuient les festivités du centre-ville et préfèrent de loin fêter Vappu tranquillement dans leur mökki, au calme, au bord d'un lac ou de la mer. On constatera que la majorité des fêtards de Helsinki, une fois la nuit tombée, sont des étudiants.

Bonus : rayon de supermarché fin avril. Voici donc le Sima de circonstance, puisque c'est Vappu, et aussi le Glögi de... Noël... mais également le soda... d'Halloween. Oui. Ce soda est en rayon depuis au moins octobre. Nous sommes an avril. Y a plus de saisons, ma bonne dame !