dimanche 14 mai 2017

Turku, l'ancienne capitale de la Finlande

L'année dernière, Céleste et moi sommes partis en vacance à l'Ouest, pendant l'été, afin de visiter... oui, l'année dernière. Comment ? J'avais promis de ne pas prendre une année de retard avant d'en parler ? Non, je ne crois pas. Je n'ai jamais écris cela. Vous devez vous tromper.

Bref, nous sommes allés à Åland pour un long week-end. Oui, après y avoir fait plusieurs fois allusion, je vais enfin parler de cet archipel autonome finlandais. Mais il se trouve qu'avant cela nous sommes passés par Turku. Or, il se trouve que j'y étais déjà allé plusieurs fois sans jamais en parler sur ce blog, et je compte donc en profiter pour rattraper tout ça.

C'est de ce balcon qu'est proclamée la Paix de Noël.
Alors, pourquoi Turku ? Parce que c'était sur le chemin, déjà, pour commencer, ensuite parce qu'il s'agit de l'ancienne capitale de la Finlande sous domination suédoise (sous le nom suédois d'Åbo), et qu'une ancienne capitale ça vaut toujours le détour (cf. Nauplie, pour mes lecteurs assidus), surtout pour les amateurs d'Histoire. Turku ne déroge pas à la règle, et offre à ses visiteurs quelques hauts-lieux intéressants, notamment son château médiéval et sa cathédrale. On proclame à Turku chaque année, la "Paix de Noël", et ce depuis les années 1320, mais que je n'ai personnellement vu qu'à la télé jusqu'ici (l’événement est retransmis en direct sur la première chaîne nationale). C'est une vieille tradition fenno-scandinave qui instaure, pour la période de Noël, un temps sacré durant lequel les crimes et les comportements antisociaux sont punis plus durement afin d'imposer, ben, la paix de Noël, tout est dans le nom. Un autre moment fort de la vie de Turku aujourd'hui c'est le grand marché médiéval qui s'y déroule chaque été, et que j'ai pu visiter deux fois déjà, y compris l'été dernier.

Belles maisons typiques du vieux Turku.
Et pouf, me revoilà sur les rails. Nous sommes allés d'Helsinki à Turku pour des clopinettes grâce à un bus Onnibus (Visiteurs en quête de conseils pour visiter la Finlande à pas cher : checkez Onnibus. De rien.), et avons pu profiter d'un temps magnifique pour visiter la partie historique de la ville avec ses maisons en bois et sa vieille place du marché, centre du Turku médiéval. Les échoppes du festival s'étalaient un peu partout, l'odeur du cochon à la broche flottait dans l'air et les animateurs en costumes animaient en costumes. En fait on en a tellement profité qu'on n'a pas pensé à prendre plein de photos. L'article sur Turku sera donc en service minimum, et comme je sais que la plupart de mes visiteurs viennent pour les images, je m'en excuse ! (Promis, l'article sur Åland sera blindé de photos.)

Deuxième tip pour les voyageurs, si comme nous vous débarquez avec des gros sacs et que vous ne souhaitez pas les trimbaler toute la journée pour vos visites, il y a une consigne pas chère à la gare. Elle nous a d'ailleurs tellement aimé qu'elle m'a refilé un euro en extra en partant (coup de bol numéro 1). Une fois allégés, la visite pouvait commencer.

Premier arrêt touriste : la cathédrale. Bon, certes, c'est pas Notre Dame de Strasbourg, mais c'est pas mal quand même, surtout pour la Finlande. Non pas que les jolies églises manquent dans ce pays, mais là on parle de gros, lourd et massif, c'est pas une belle chapelle toute mignonne en bois peinte en rouge comme à Seili, non là on parle de pierres et de maçonnerie pour un édifice construit en plusieurs étapes sur plusieurs siècles (du XIIIème, alors église en bois, puis agrandie en mode mastoc au XIVème et XVème, puis reconstruction après le Grand Incendie de Turku). Pour plus de détails techniques je vous renvoie à wikipedia, inutile de faire du bête copier-coller.

Le parvis de la cathédrale sous le soleil. Le clocher domine la place de ses 86 mètres, soit un poil moins haut que la cathédrale d'Aarhus au Danemark, qui lui ressemble un peu, je trouve, avec le côté brique rouge.
Les multiples fenêtres et vitraux cloisonnés témoignent des multiples "couches" successives dues aux agrandissements / réparations suites aux dégradations, notamment les incendies.
Un autre angle du clocher que je trouve assez joli avec ce patchwork d'anciennes ouvertures colmatées. Le clocher était originellement en bois mais après le grand incendie de Turku ils ont décidé d'arrêter les frais.
La nef avec sa superbe voûte. On peut voir que c'est plutôt sobre.
L'orgue principal est récent et date des années 1980. On peut dire qu'il a de la gueule.
Une offrande de marin comme j'en parlais déjà dans l'article sur l'église de Seili.
Du coup j'ai mentionné le fameux incendie de Turku. Il y'en a eu plusieurs, mais celui dont les gens se souviennent, c'est celui de 1827, avec une histoire tellement invraisemblable que j'en rigolais déjà (en anglais) sur mon blog humoristique Zombie Hunting in Finland. Du coup je vais résumer tout ça une nouvelle fois ici, en français et sans zombies.

En gros, un feu se déclare à Turku le 4 septembre 1827, alors qu'une grande partie de la population se trouve au grand marché de Tampere. Ironiquement, c'est la ville avec laquelle s’est installée une sorte de concurrence teintée de jalousie et de compétition bon enfant. Bref, alors que les braves gens de Turku se vident les poches chez leur principale rivale, à 9h du soir le feu prend dans la ville. Et le pire, c'est qu'il s'étend ici, là, au gré du vent, comme s'il sautait d'un point à l'autre de la ville pour faire un maximum de dégâts : il s'étend d'abord aux quartiers Nord, puis les quartiers Sud, puis l'incendie saute par-dessus le fleuve Aura (WTF?) pour aller mettre le feu à la cathédrale, avant de repartir vers l'Est. Un vent facétieux déterminé à foutre le boxon, bizarre quand même ? Comme la plupart des gens sont partis, peu de personnes sont là pour combattre les flammes dans une ville qui, malgré 30  incendies (trente, quoi !) dans son histoire, n'a toujours pas de plan de contingence pour ce genre d'événement. Quelque part, on se dit : Selberschuld, les mecs. Bien fait pour vous. Bilan : trois quarts de la ville réduits en cendres, 11 000 sans abris, 27 morts et des centaines de blessés. C'est l'incendie urbain le plus grave de l'Histoire des pays nordiques.

Le fleuve Aura, que le feu a "enjambé" sans problème. Et des sculptures de canards.
Les conséquences, outre les pertes matérielles, méritent l'attention. Depuis quelques années déjà, Turku n'était plus la capitale du Grand Duché de Finlande, car les Russes l'avaient déplacé sur Helsinki afin de l'éloigner de l'influence suédoise et de la rapprocher du reste de la Russie. Pourtant, beaucoup de grandes institutions comme l'Académie Impériale et les Archives, etc. étaient encore basées à Turku, alors plus grosse ville de Finlande. Après l'incendie, ces institutions ont elles aussi été rapatriées vers Helsinki. De là à dire que ce mystérieux feu vagabond capable de se mouvoir un peu partout, même par-dessus le fleuve, n'était pas tout à fait un accident mais un acte délibéré pour affaiblir encore plus le rôle de Turku en faveur d'Helsinki... il n'y a qu'un pas que je ne franchirais pas, mais qui me laisse perplexe. Ce désastre tombait un peu trop à pic. Néanmoins, conspirationnisme ou pas, le résultat fut bel et bien le déclin de Turku en faveur d'Helsinki qui a pris pleinement et définitivement son rôle de capitale.

Aujourd'hui à part un quartier de maisons en bois qui a plus ou moins survécu à l'incendie, la ville est de construction moderne, et je dois avouer que comparé aux innombrables façades en Jugendstil d'Helsinki, ben Turku n'est pas spécialement jolie. Certes, il y a le fleuve Aura qui traverse la cité et offre de nombreux ponts au panorama, mais on en a vite fait le tour (bon, c'est pas tout à fait vrai, y a plein de musées, mais disons que pour une promenade, c'est pas folichon). Malgré tout, il reste la cathédrale et surtout le château.

La façade de l'enceinte extérieure.
Le château à proprement parler.
Comme c'était le grand marché médiéval, le château avait organisé des animations particulières, notamment des jeux pour les enfants, des gens costumés, et au cours des visites des musiciens faisant de chouettes démonstrations d'instruments et de chants médiévaux, ainsi que des initiations à des danses médiévales - c'était marrant, mais j'ai confirmation que moi et la danse ça fait deux. Céleste et moi sommes arrivés pour la dernière visite en anglais de la visite, peu avant la fermeture, et comme il n'y avait personne d'autre (les autres visiteurs prenant la visite en finnois), nous avons eu droit à une visite privée, un guide pour nous tout seuls, ce qui était un chouette coup de bol.

Dans les grandes lignes, le château date du XIVème siècle, avec plusieurs phases d'agrandissements / restauration comme pour la cathédrale. Encore une fois, wikipedia est l'ami des gens qui veulent du technique. Le château a été construit à l'embouchure du fleuve Aura (fleuve qui donne son nom à une variété de fromage, à savoir un bleu assez doux, et une marque de bière, que je ne recommande pas spécialement), pour protéger la ville des assauts maritimes. A la base, la forteresse était sur une île dans une zone marécageuse, mais avec l'élévation du niveau du sol propre à la Finlande (le recul des glaces depuis la fin de l'ère glacière il y a 10 000 ans fait que le sol autrefois "sous pression" remonte jusqu'à 85 cm par siècle dans les régions côtières et l'Archipel de Finlande, ce qui est énorme !), et bien le site est maintenant sur la terre bien ferme, au bord de la Baltique. Je trouve ce phénomène fascinant, puisque de nouvelles îles apparaissent en quelques décennies et que dans certains endroits la côte recule au point de rendre les vieux ports inutilisables (Pour ceux que ça intéresse il y a un chouette article du Finnish Geospatial Research Institute en anglais ici avec des vidéos et des images plus parlantes que mon blabla).

Ce qui m'a plu dans cette visite du château (que j'avais déjà visité il y a plusieurs années de ça mais sans guide), ce sont les petites anecdotes rigolotes du guide. Comme par exemple l'explication aux deux trappes latérales donnant sur l'entrée de l'enceinte du château. En passant devant, on s'est dit "Tiens, ils ont mis des ours... OK... c'est pour donner un petit frisson aux enfants ?" Et bien non, c'est tout simplement parce qu'il fut un temps où l'entrée du château était réellement gardée par DEUX OURS. Pourquoi prendre des chiens quand on peut mettre des ours ?

Et donc on gardait l'entrée du château de Turku avec des ours. D'autres questions ?
Un autre détail cocasse (si on peut dire) a trait à l'histoire du château qui a également servi de prison de luxe à la famille royale de Suède. En 1563, Jean III  de Suède trahit son frère le roi Eric XIV, et ce dernier le fait enfermer en prisonnier VIP à Turku pour Haute Trahison. Heureusement pour Jean, son frère Eric... perd la boule... et devant les alarmants signes de problèmes mentaux de leur souverain, plusieurs nobles font libérer Jean qui renverse son frère et l'enferme. En prisonnier VIP à la prison de Turku. Haha, sacré Jean, pas rancunier pour un sous ! Bon, pour des mesures de sécurité, Eric sera transféré de château en château (y compris à Kastelholm à Åland, j'y reviendrais), dans des geôles de luxe et ce jusqu'à sa mort en captivité, empoisonné à l'arsenic. Ah, les frangins, qu'ils sont taquins !

Dans la cour du château.
Sinon il y a aussi la légende du prisonnier qui est parvenu à s'échapper par les latrines. Alors bon, pour vous donner une idée, voici une photo des latrines en question, avec un petit paquet de Salmiakki à côté pour donner l'échelle (sachant que c'est plus petit qu'un paquet de cigarettes).


Soit le mec c'est Gérard Majax, soit y a un garde qui a été soudoyé, a ouvert grand la porte, puis a déclaré à ses supérieurs "Je ne comprends pas, il a dû passer par le chiotte". Je vous laisse faire votre choix.

J'ai également beaucoup apprécié le Jésus gore en serviette de bain de la chapelle catholique :

Non, ce ne sont pas des grappes de raisin, c'est le sang du Christ qui coule à gros bouillons. Et WTF, qu'est-ce que c'est que cette serviette à rayures ?!
Bref, si vous passez par Turku, je recommande de prendre le temps de visiter le château. Il est bien restauré, et sa taille et son bon état de conservation sont assez rares en Fennoscandinavie pour un édifice de cet âge. Il est également mieux fourni en meubles et autres artefacts que d'autres châteaux que j'ai pu visiter, notamment Savonlinna, et Hämeenlinna (dont je dois encore vous parler plus tard). Je recommande, donc. J'aimerais vous parler des nombreux musées de la ville de Turku mais n'ayant jamais passé plus de quelques heures à chaque visite, j'avoue ne pas les avoir moi-même explorés (ce n'est que partie remise). Le soir nous avons été récupérés en ville par notre Air BnB où nous avons passé la nuit, quelque part dans les bois aux environs de Turku, avant de reprendre la route le lendemain par ferry. Prochain arrêt : Åland

Le château vu depuis le pont du ferry pour Åland.
Et pour finir sur Turku, la ville a beaucoup d'humour. Considérée par certains comme une ville de seconde zone (certains = Helsinki et Tampere, hein, soyons clairs), ayant la réputation un peu injuste d'être le trou du cul de la Finlande (ce qui, quand on connaît la ruralité finlandaise, est quand même fort de café), la ville a répondu par une campagne promotionnelle de bon aloi :



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