mardi 22 août 2017

Åland : Mariehamn

Alignement de maisons colorées à Mariehamn.
Après nous être promenés un peu dans l'archipel, et avant de conclure ce petit séjour à Åland, intéressons un peu à Mariehamn, la capitale. Je disais dans mon article précédent que Bomarsund était la conséquence la plus visible de la période russe... eh bien ce n'est pas tout à fait vrai. Certes, la forteresse évoque clairement le passé russe, avec ses canons frappés de l'aigle du Tsar tournés vers la mer. Néanmoins, il se cache un reliquat du passé russe bien plus grand, mais en même temps moins évident, et c'est Mariehamn. La petite ville (moins de 12 000 habitants en 2016) fut en effet fondée par les Russes, et non les Suédois, et sert désormais de centre administratif au territoire autonome d'Åland. C'est donc la capitale de l'archipel. Néanmoins, ce titre ronflant ne doit pas faire perdre de vue qu'il s'agit d'une ville assez petite, sans grands immeubles comme à Helsinki ou Stockholm. L'impression de grand village coquet avec son centre ville propret est des plus agréables, avec beaucoup de maisons en bois colorées comme je le mentionnais dans mon premier article, même si du coup on en fait rapidement le tour. 
Certaines maisons respirent plus l'argent que d'autres, cela dit...
Toutefois, vite faire le tour ne signifie pas qu'il n'y ait rien à voir ! Mon coup de cœur fut l'église Saint-Georges qui se tient le long de l'esplanade centrale de Mariehamn. De l'extérieur, cette petite église semble assez ordinaire, si ce n’est son joli cloché haut de 30 mètres. Mais c'est l'intérieur qui vaut véritablement le détour.

L'église Saint-Georges de l'extérieur. A part son joli clocher, bon, c'est une église en brique, quoi, après avoir vécu à Espoo quelques années, on est un peu blasé. Mais lorsqu'on entre...
La nef avec vue sur l'autel. On remarque cette dominance du bleu que j'aime beaucoup, et une maquette de navire en offrande comme j'en ai déjà parlé plusieurs fois.
Détail des motifs de la voûte en bois, ainsi que des bas-côtés. L'intérieur est à la fois coloré et lumineux.
On se retourne et on admire l'orgue (le plus gros de l'archipel, apparemment) et la voûte.
Mariehamn offre également plusieurs coins de verdure et des plages, de quoi se promener tranquillement ou se poser un moment. Deuxième coup de cœur pour l'animalerie en plein air, avec des oiseaux, des lapins, etc., y compris des paons en liberté, comme au zoo d'Helsinki à Korkeasaari.


Sans peur, le bestiau.
Les canards aussi ont droit à leur mökki rouge et blanc sur une petite île tranquille.
L'hôtel de ville a également un chouette parc à offrir, malgré les travaux environnants lorsque nous y étions.
Mais l'étape qui nous a pris le plus de temps, ce fut le musée maritime. Pourtant il ne semble pas si imposant de prime abord. Un bâtiment au bord de l'eau, et un voilier à quai, qui il faut bien avouer en jette bien quand on arrive. Mais qu'on ne s'y trompe pas, le musée est blindé, littéralement blindé de contenu. Autant certains musées se contentent de petits encarts sans entrer dans les détails (musée des bateaux vikings d'Oslo, c'est à toi que je pense), ce qui permet de passer d'une pièce à l'autre rapidement, autant d'autres donnent tout ce qu'ils ont et en rajoutent encore, pour les plus passionnés. C'est le cas de ce musée, qui demande beaucoup de temps, à moins de lire en diagonale voire d'ignorer certains panneaux. J'aime en avoir pour mon argent dans un musée, vraiment, mais à la fin de cette visite, surtout la partie à bord du quatre mâts qui nous guide par le plus petit menu détail à travers toutes les parties du navire, j'étais un peu assommé. Néanmoins je recommande le musée qui a beaucoup à offrir à ses visiteurs les plus curieux, que ce soit sur la navigation ou le commerce maritime. On y apprend notamment qu'Åland a possédé la plus large flotte commerçante de navire en bois au monde, et je sais pas vous mais moi ça m'a un peu abasourdi. Åland, quoi ! Une histoire insoupçonnée pour un archipel coincé entre deux nations.

Le quatre-mâts Pommern, partie intégrante du musée maritime.
Le pont du navire. Pour cause d'absence de flash, la plupart de mes photos intérieures étaient floues et inutilisables... Sauf une...
Ceci, mesdames et messieurs, est l'un des rares drapeaux pirate authentiques qui soit parvenu jusqu'à nous, décoloré par le temps, certes, mais toujours parfaitement identifiable. Un vrai drapeau pirate, quoi ! (Et donc, oui, le skull and crossbones c'est cliché, mais c'est aussi véridique)
Il est temps pour moi de conclure ce triptyque sur Åland. Nous ne sommes restés que quelques jours, pas assez pour nous imprégner pleinement de la vie et de la culture locale, mais rester chez un ålandais, dîner chez ses parents et profiter de ses anecdotes lors de nos visites, nous a donné une image assez vivace de l'archipel suédophone. Est-ce si différent de la Finlande à proprement parler ? A priori, pas vraiment, d'ailleurs le paysage est très similaire à ce que j'avais déjà vu dans l'archipel finnophone, du côté de Seili, notamment, de même que l'architecture génériquement nordique. Mais il y a une évidente fierté à être ce petit territoire autonome au milieu de la mer - partout les drapeaux et fanions tricolores sont là pour en témoigner - avec clairement une mentalité insulaire, pour le meilleur et pour le pire. Je reste sur une belle impression, j'ai rencontré des gens accueillants et charmants, un office du tourisme à côté de ses pompes, et découvert qu'en plus de produire un excellent jus de pomme, Åland produisait également les chips Taffel (qu'on trouve partout en Finlande). C'est du trivia à la con, ça ne sert à rien, mais ça m'a impressionné. Parce qu'a priori Åland n'est qu'un bout de l'archipel de Finlande, et pourtant ses habitants tirent leur épingle du jeu - en partie grâce aux nombreux avantages de l'autonomie. C'est un très beau coin de Finlande, qui mérite l'attention, si vous êtes dans les parages.

Un sentier côtier part du port de Mariehamn et offre une vue agréable sur la mer. En revanche, ce n'est pas une boucle, et il vous faudra revenir sur vos pas, mais c'est intéressant comme refaire un chemin en sens inverse offre parfois de nouvelles perspectives !
Ceux qui avaient lu mes articles sur l'Archipel de Finlande sont en terrain connu.
Les cygnes profitent de la mer calme.
 Ah oui, et petite anecdote rigolote avant de nous quitter, dans mon premier article, à un moment j'ai inséré une photo d'une maison rouge, dans un virage. Vous n'avez probablement pas remarqué mais...

La fenêtre de droite... est une fausse ! Les propriétaires l'ont peinte par "harmonie", là où il n'y avait que des lattes rouges. Il y a bien un cadre, comme pour les autres fenêtres, mais c'est une fausse ! Effectivement, là, comme ça, c'est plus harmonieux, non ?

lundi 21 août 2017

Åland : Bomarsund

Un canon de Bomarsund monte encore la garde.
J'évoquais la période russe de l'archipel dans mon article précédent, et sa conséquence la plus visible aujourd'hui, à savoir la construction de la forteresse de Bomarsund. Alors je ne vais pas faire un historique complet et détaillé de l'histoire de cette forteresse, wikipedia fait ça mieux que moi. Je vais me contenter d'un résumé sarcastique et d'une visite de ce qu'il en reste. Oh, mince, du coup vous savez déjà qu'elle est toute abîmée ! Au temps pour moi...


Vous vous souvenez quand j'évoquais Suomenlinna ? Je me moquais alors des Suédois construisant une super forteresse pour se protéger des Russes avant... que la forteresse ne soit livrée clefs en main aux Russes en question par un traître ? C'était drôle, on s'est bien moqué. Mais les Russes aussi ont droit à leur petit moment de honte, et il serait injuste de ne pas en parler ici, maintenant. Parce que cette forteresse de Bomarsund était une sacrée entreprise ! En plus d'être elle-même colossale, elle devait être protégée par douze énormes tours de 42 mètres de diamètre pour 14 mètres de hauteur, armées de 20 canons chacune ! Bon, seulement trois étaient achevées quand les Russes en ont eu besoin, y compris la Tour Notvik qui devait empêcher les navires ennemis d'arriver par le Nord, les Russes croyant que c'était la seule voie d'accès navigable pour des navires de guerre. Cinq années de construction et 20 canons plus tard, donc, elle était prête à repousser toute flotte adverse.

Sauf que pendant ces cinq années de construction, les navires avaient évolué technologiquement et quand la flotte franco-britannique (oui, oui, il nous est occasionnellement arrivé d'arrêter de nous taper dessus avant les guerres mondiales) débarqua en 1854, pendant la Guerre de Crimée, elle était composée de navires à vapeur capables de passer au sud-est par l'étroit canal de Ängösund. Ces derniers furent alors capables d'approcher la Tour Notvik, hors de portée des canons russes. Les britanniques montent alors en 48h un nid d'artillerie composé de trois canons seulement protégés par des sacs de sable... Et en 10 heures de bombardement c'était plié, la tour était réduite à néant.

La Lose avec un grand L.

En cinq ans, la tour était déjà devenue obsolète parce que la technologie avait progressé rapidement. Comme quoi, déjà à l'époque on a dû entendre un Russe ou deux pester que "ça évolue beaucoup trop vite de nos jours !" Hihi, c'est bon, maintenant que j'ai évoqué cet incident on ne pourra plus m'accuser de me moquer que des Suédois.

(Cela dit, Suède, tout cela ne compense toujours pas le coup du Vasa, faut pas rêver).


Ce qu'il reste de la Tour Notvik.

Notez les impacts de boulets de canon dans la pierre de taille.
Il ne reste plus grand chose, mais on peut s'imaginer la largeur de la tour à l'époque, qui fonctionnait comme une garnison miniature, puisque les soldats y logeaient, mangeaient, etc.
Céleste et Mats, notre hôte couch-surfeur, longent les imposants canons russes qui armaient la tour.

La reconstitution de la forteresse sur un des panneaux du site donne une idée de l'échelle.
Quant à la forteresse elle-même, 24 ans après le début de sa construction, elle n'était pas encore achevée lorsqu'elle tomba aux mains françaises et britanniques après 8 jours de siège. Français qui s'empressèrent de la remplir d'autant de poudre que possible et de la faire exploser. Les pierres des ruines se retrouvent dans beaucoup de fondations de fermes aux alentours (la forme de la taille est caractéristique et franchement reconnaissable), même s'il est aujourd'hui interdit de se servir comme autrefois. D'un côté il est assez choquant de se dire qu'on pourrait avoir de bien meilleurs vestiges historiques si les paysans du crû n'avaient pas pillé le site, de l'autre c'est une pratique extrêmement courante et pragmatique de récupérer ce qui peut l'être (j'y reviendrai probablement quand je parlerais des vestiges de la première guerre mondiale sur le Hartmannswillerkopf). Toujours est-il que c'est la destruction de cette forteresse en 1854 qui amena à la démilitarisation officielle d'Åland deux ans plus tard. (Démilitarisation dont ils sont très fiers, comme on l'a vu dans l'article précédent).

Quelques chiffres pour bien comprendre l'ampleur du fort principal : 18000 m², 246 salles, 115 canons, 2 500 résidents, civils et militaires. Le fort avait ses églises, boulangeries, prison, étables etc. Une véritable petite ville. Et tout ce qu'il en reste aujourd'hui, c'est ça :

Le mur aux pierres taillées à la forme si reconnaissable qu'on retrouve donc dans les fondations de beaucoup de fermes et d'habitations.




Les berges autour des ruines au couchant.
Quel intérêt d'aller visiter Bomarsund s'il n'en reste plus rien, me demanderez-vous ? Et bien d'abord le peu qu'il reste permet tout de même d'avoir une idée de la taille imposante de la forteresse. Les pierres taillées qui servaient d'appui sont juste énormes. Ensuite, le cadre. Si la forteresse elle-même n'a pas forcément une vue d'ensemble, les ruines de la Tour Notvik, en revanche, offrent un superbe panorama qui mérite largement le détour ! En plus nous y étions à l'heure du couchant, ce couchant nordique qui prend son temps, ce qui ne gâchait rien.





Hum, cet article est déjà un peu long, et je m'étais fixé de ne faire que 2 articles sur Åland... tant pis, j'en ferai trois et puis voilà. On passera à la dernière étape dans un autre article centré sur la capitale Mariehamn, et notamment son musée de la marine.

Et ensuite je pourrais peut-être passer à la Norvège pour un peu plus de relief.

Arbre de Midsommar tout mignon vu à côté des ruines de Bomarsund, tout aux couleurs d'Åland, y compris le petit drapeau au sommet ! (comme nous y étions peu après le Solstice d'été, on en a vu plein, sur notre chemin)